L'@ide-Mémoire

ENCYCLOPÉDIE DU CINÉMA FRANÇAIS

Mila Parely

 

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Dictionnaire des comédien(ne)s
 

 

L’Orientale, la silencieuse, sultane ou esclave qui distille les songes aux hommes fatigués, la nostalgie aux marins désœuvrés, c’est Raphaële, femme des ailleurs et des désespérances. Une sylphide échappée d’on ne sait quel harem, qui s’allonge, indolente, sur les coussins de la Maison Tellier. Magicienne, elle confère un éclat trouble à ses colliers de pacotille, à ses bracelets de verroterie. Les parfums d’Arabie entêtent au jeu de ses écharpes. Elle se tait, écoute encore ceux qu’elle endort doucement. Raphaële fournit à la Maison Tellier un exotisme de bon aloi. Les notables la craignent comme on craint un reptile, mais les matelots quêtent ses enlacements. De quels lointains rivages la Belle Juive de l’ami Maupassant s’est-elle évadée ? Elle est à l’image de l’interprète. L’envoûtante Mila Parely acceptait le moindre rôle, sûre de le marquer et de l’imposer. Elle a su, au temps de Vichy, auréoler de beauté, dans des toilettes vaporeuses, les plus romanesques démons : ceux qui épouvantaient Monsieur des Lourdines et la famille Roquevillard. À la veille de la défaite, elle trépidait dans les salons de La Règle du jeu. Passé l’orage, elle s’est pavanée dans les atours Grand Siècle de l’orgueilleuse Félicie, sœur de la Belle en attente de la Bête. Elle a tout joué avec une apparente désinvolture et un brillant jamais terni : demoiselle du pavé (Circonstances atténuantes), tricoteuse cruelle (Remontons les Champs-Élysées), nonne compatissante (Les Anges du péché), Tarquine de L’Esclave blanche, Yada du Lit à colonnes… Guitry l’admirait, comme Cocteau. Son rôle dans Le Plaisir fut son chant du cygne. Elle s’est tue, sans regret, nous abandonnant Raphaële, la fascinante, aux yeux mi-clos et au corps alangui. RC

Née Olga Perzinsky à Paris le 7 octobre 1917, la future Mila Parely interrompt très jeune ses études de médecine pour effectuer des débuts remarqués sur les planches bruxelloises, et s’est déjà fait connaître en tant que chanteuse de l’orchestre de Rudy Vallée lorsque Pierre Chenal lui offre son premier véritable rôle à l’écran, celui de la femme de chambre du Martyre de l’obèse. L’année suivante, parée d’une coiffure blonde à la Caracalla et nantie d’ailes en plumes de cygne, elle est, sous la direction de l’éternel exilé Fritz Lang, l’ange dactylographe de Liliom. Ensuite, ce sont le départ pour les États-Unis, une microcarrière hollywoo-dienne qui ne laissera guère plus de traces que celles entreprises à la même époque par Jeanne Aubert ou Katia Lova, puis le retour en France où l’attendent d’autres rencontres : Siodmak, Renoir, Duvivier, Guitry, surtout, qui la choisit au pied levé pour remplacer Arletty dans Remontons les Champs-Élysées avant de la réengager au théâtre (Un monde fou, 1939) et à l’écran (Donne-moi tes yeux, 1943). C’est l’amitié amoureuse, indéfectible, qui unit Mila l’androgyne (tellement féminine pourtant) à Jean Marais jusqu’à la disparition de ce dernier. C’est la rencontre décisive avec le coureur automobile Tasso Mathieson, qu’elle épousera et qui restera pour elle l’unique, le grand amour de toute une vie. Ce dernier victime d’un grave accident, elle le suit dans sa convalescence portugaise, et pour ce faire choisit de mettre prématurément fin à sa carrière, à 34 ans à peine. Deux de moins que Garbo au moment de ses adieux aux studios. Ceux de Mila, pourtant, ne furent pas irréversibles : on la revit chez Terence Fisher d’abord, beaucoup plus tard chez Daniel Vigne, et même, par intermittence, à la télévision (La Grande Dune). Tombée amoureuse du kiosque à musique de Vichy, où, petite fille, elle passait ses vacances, elle a fini par y établir ses quartiers à l’année… pour le plus grand regret des cinéphiles, obnubilés par l’image et le mystère de cette féline aux yeux de braise, dont on ne sait toujours pas, au fond, si elle était chatte siamoise, léopard d’Afrique ou panthère royale d’Insulinde. ADL

© Armel de Lorme