L'@ide-Mémoire

ENCYCLOPÉDIE DU CINÉMA FRANÇAIS

 

 

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Hommages
 

 

Yvonne Clech

Photo de droite : © Françoise Raybaud

Véritable nom : Yvonne Marie Clech.

Née à Moustéru (Côtes-d’Armor) le 3 juin 1920.

Décédée à Paris le 25 février 2010.

Sale temps pour les grandes dames. Après la disparition d’Anne Alexandre et des nouvelles pas franchement réjouissantes de l’immense Mila Parely, nous venons d’apprendre, via Christian Léciagueçahar du Coin du Cinéphage, le décès très discret d’Yvonne Clech, comédienne hors pair et actrice hors norme, dont la classe innée, saupoudrée d’un grain de folie salutaire, a conféré un cachet bien réel à plus d’une comédie du dimanche soir. Mélange assez unique en son genre de décalage et d’aristocratie, Yvonne Clech faisait partie de ces actrices à la fois inclassables et impeccables, capables au choix de tirer vers le haut la farce la plus prévisible ou d’élever l’absurde cinématographique au rang d’art majeur. Dans Zazie dans le métro (Louis Malle, 1960), film mi-chair, mi-poisson grandement surestimé, sa Veuve Mouaque, fantasque, attachante et jamais caricaturale, faisait oublier le jeu tout en premier degré de ses partenaires, prisonniers du texte original, en même temps qu’elle semblait inventer, avec quelques longueurs d’avance, les élégantes de quarante ans au cœur de midinette chères à Jacques Demy. Avec Claude Gensac, elle a longtemps été la partenaire idéale de Louis de Funès, le côté volontiers planant, voire carrément à l’Ouest, de l’une constituant le contrepoint parfait au caractère sanguin de l’autre. Revoir Faites sauter la banque ! (Jean Girault, 1963) ou Jo (Jean Girault, 1971), dont la séquence la plus inoubliable la montrait dansant sur une table, beurrée comme un Petit-Lu et Magnum largement entamé à la main. Revoir aussi, à l’occasion, les titres plus marginaux qui lui permirent de composer quelques-unes des grandes bourgeois pompidolo-giscardiennes les plus réjouissantes de toute l’Histoire du Cinéma français, fût-il bis : en vrac, l’épouse BCGB du ministre congestionné de Q (Jean-François Davy, 1973), finissant par jeter son bonnet aux orties et sa gourme on ne sait où, la femme de publiciste gaffeuse et naïve – en tout cas suffisamment pour faire passer Kelly Bochenko pour un puits de science ou Ève Angeli pour la marquise de Merteuil – de l’ennuyeux Au bout du bout du banc (Peter Kassovitz, 1978), la fausse (?) Claude Pompidou de Comme une femme (Christian Dura, 1979) allant s’encanailler dans les bouchons auvergnats en compagnie d’écrivaines cocaïnées jusqu’à la moelle et de folles perdues ou très la lubrique moitié de haut serviteur de la République violant Paul Préboist dans un placard à balais au mitan de Super Flic se déchaîne (Jean-Claude Roy, 1983), ineffable nanar. C’était tout ça, Yvonne Clech, et un peu plus encore, de la serveuse de guinguette acide de L’Étrange Mme X (Jean Grémillon, 1950) à la directrice d’agence immobilière étroite d’esprit et sèche de cœur de La Vie à l’envers (Alain Jessua, 1963), de la savoureuse rombière à gigolos de Saint-Tropez Blues (Marcel Moussy, 1960) à la vieille fille prolongée de L’assassin connaît la musique… (Pierre Chenal, 1963), de la fausse milliardaire-authentique escroque de Quand passent les faisans (Édouard Molinaro, 1965) à la mère-monstresse de Suivez mon regard (Patrice Ambard, 1989), où elle n’apparaissait que de dos, ou filmée en profil perdu, tout en donnant le sentiment qu’elle avait habité l’écran de la première à la dernière bobine… Elle, lorsqu’on l’interrogeait sur son parcours, mettait plus volontiers le théâtre en avant, ce qui peut aisément se concevoir : compagne historique des Grenier-Hussenot, pilier longtemps incontournable de la galaxie Anouilh, interprète ponctuelle de Ionesco (quelle Mrs. Smith n’eût-elle pas été !) ou de Genet, son palmarès en la matière était des plus éloquents. N’y manquait, comme pour beaucoup de comédiennes (au hasard : Tsilla Chelton, Claire Maurier, Geneviève Page, Emmanuelle Riva, Martine Sarcey, Édith Scob…), qu’un Molière d’honneur, le métier est ainsi fait… Tant pis pour lui.

ZAZIE DANS LE METRO (Louis Malle, 1960)

FILMOGRAPHIE CINÉMA :

1950 : L’Étrange Mme X (Jean Grémillon). 1953 : Les hommes ne pensent qu’à ça… (Yves Robert). 1957 : Ce joli monde (Carlo Rim). 1958 : Le Grand Chef (Henri Verneuil, n’apparaît pas dans les copies actuellement visibles). La Moucharde (Guy Lefranc). 1959 : Le Second Souffle (Yannick Bellon, CM). 1960 : Saint-Tropez Blues (Marcel Moussy). Zazie dans le métro (Louis Malle). 1961 : Les Livreurs (Jean Girault). Le Tracassin ou les Plaisirs de la ville (Alex Joffé). 1962 : Arsène Lupin contre Arsène Lupin (Édouard Molinaro). Un clair de lune à Maubeuge (Jean Chérasse). Les Veinards – sk. Le Vison (Jean Girault). 1963 : L’assassin connaît la musique… (Pierre Chenal). Coplan prend des risques (Maurice Labro). Faites sauter la banque ! (Jean Girault). Le Feu follet (Louis Malle). La Foire aux cancres (Louis Daquin). L’Honorable Stanislas, agent secret (Jean-Charles Dudrumet). La Vie à l’envers (Alain Jessua). 1964 : Les Gros Bras (Francis Rigaud). L’Or et le Plomb (Alain Cuniot). Relaxe-toi Chérie… (Jean Boyer). 1965 : Pleins Feux sur Stanislas (Jean-Charles Dudrumet). Quand passent les faisans (Édouard Molinaro). 1966 : Six Chevaux bleus/Zossia (Philippe Joulia). 1967 : Le Grand Dadais (Pierre Granier-Deferre). 1970 : Géraldine ou la Vertu récompensée (Pierre Sisser, CM). 1971 : Jo (Jean Girault). 1972 : Le Rempart des Béguines (Guy Casaril). 1973 : Q (Jean-François Davy). 1974 : Soldat Duroc, ça va être ta fête ! (Michel Gérard). Un train peut en cacher un autre (Jacques Colombat, CM). 1977 : Le Maestro (Claude Vital). 1978 : Au bout du bout du banc (Peter Kassovitz). Mireille dans la vie des autres (Jean-Marie Buchet). 1979 : Comme une femme (Christian Dura). 1983 : Super Flic se déchaîne/Y a-t-il un pirate sur l’antenne ? (Jean-Claude Roy). 1985 : Le hasard mène le jeu (Pierre Chenal, CM). 1988 : À deux minutes près (Éric Le Hung). 1989 : Suivez cet avion (Patrice Ambard).

LIENS VIDÉO :

www.youtube.com/watch?v=02UFngpJg3A (Zazie dans le métro).

www.youtube.com/watch?v=vsRGaA5pFcE (Les Veinards : bande-annonce).

www.dailymotion.com/video/x3nzz1_faites-sauter-la-banque-de-funes_shortfilms (Faites sauter la banque !).

© Armel de Lorme