À l’exception de maigres informations fournies par l’Annuaire
Biographique du Cinéma et faisant état, outre d’un passage
au Cours Simon, d’activités d’acrobate, de trapéziste et de
monitrice d’éducation physique, on connaît assez mal de parcours
extra cinématographique de Santa-Relli, « star deuxième »
de l’Occupation et de l’immédiat après-guerre, lancée en 1943
par la firme franco-allemande Continental et qui restera surtout
pour son interprétation, sous la direction de Maurice Tourneur, du
rôle-titre d’un très réussi Cécile
est morte !. « Jeune vieille fille » en mal de mari,
Cécile Pardon, 25 ans, trouve un dérivatif à l’absence de mâle
en harcelant jusque dans son bureau le brave commissaire Maigret
afin de lui faire part de prétendus complots dont elle a
connaissance. Maigret et ses petits camarades de la PJ la prennent,
comme il se doit, pour une aimable folle, jusqu’au jour où Cécile,
finalement moins frappadingue qu’il n’y paraissait, est retrouvée
étranglée dans un placard à balais. Il fallait un talent bien réel
pour se tirer d’un tel rôle sans sombrer dans la caricature :
Santa-Relli n’en manquait pas. Brune, fiévreuse, totalement dépourvue
de sex-appeal mais nantie dans le même temps de qualités
dramatiques des plus solides, elle se rattache, comme Junie Astor,
Marie-Hélène Dasté, Yvette Étiévant, Héléna Manson ou
Jandeline, à la grande famille cinématographique des éternelles
frustrées, des perpétuelles aigries, des résignées à temps
complet et des mal baisées chroniques, un peu comme si le titre de
son premier film, le remake par André Hugon (1938) de La
Rue sans joie de Pabst, avait, dès ses débuts à l’écran,
donné définivement le « la ». Son emploi type ?
La vieille fille pathétique, migraineuse et bornée, répondant généralement
aux prénoms un rien « France profonde » de Geneviève,
Germaine, Lucienne ou Simone. Dans l’adaptation par André Cayatte
d’Au Bonheur des Dames tel que l’écrivit Émile Zola (1943), elle
ne quitte le lit, toussotante et chancelante de bout en bout, que
pour se fondre, à l’instar de son personnage d’amoureuse
souffreteuse, valétudinaire et bafouée, dans la grisaille d’arrière-boutiques
mal éclairées, avant d‘achever prématurément, comme dans le
roman, sa course au malheur permanent dans un cercueil capitoné qui
semblait n’attendre qu’elle depuis le jour même de sa
naissance…
À la Libération pourtant, Santa-Relli semble amorcer
un virage en troquant sa panoplie de catherinette en mal d’époux
pour des emplois, plus riches et plus volontaristes, de résistantes
discrètes mais efficaces (Vive
la liberté, Jeff Musso, 1944 ; Jéricho,
Henri Calef, 1945) et de veuves mal embouchées : dans La
Maison sous la mer (Henri Calef, 1946), acariâtre et rancie,
elle enterre son brave Armontel de mari d’une main tout en menant
sa marmaille à la baguette de l’autre, sans se douter que, dans
l’ombre, Jacques Tati lui mitonne le dernier grand rôle de sa
carrière. En 1947 donc, elle prête ses traits à la foraine revêche
de Jour de fête, patronne
de manège mariée pour le meilleur peut-être, mais certes pas pour
le rire, au brave Guy Decomble qu’elle rappelle violemment à
l’ordre chaque fois qu’il fait mine de s’intéresser d’un
peu trop près à la jeune et jolie Maine Vallée. Deux ans encore
et elle disparaît définitivement des écrans, après avoir prêté
furtivement, à la demande expresse de l’ancien coscénariste de Jour
de fête, ses traits à la savoureuse Langoustinette -
petite poule du pavé de Paris au cœur tendre comme de la
mie de pain – du très réussi Les
Premières Armes (René Wheeler, 1949), qui devait lui fournir,
en toute fin de parcours, le premier, seul et unique contre-emploi
d’une carrière cinématographique somme toute bien trop courte. ADL
Version remaniée du
portrait de Santa-Relli publié dans L’@ide-Mémoire
– Encyclopédie des Comédiens de Théâtre, Cinéma et Télévision,
Volume 1, 2006. © Armel De Lorme.
|