Décès encore de la magnifique Hélène Surgère, un
an et quelques semaines à peine après son entrée en tant que
pensionnaire à la Comédie-Française dont elle était devenue dans
le même temps la doyenne par l’âge et la « benjamine »
des recrues par le fait. Appelée au sein de la grande maison afin
d’y interpréter la nourrice des Trois Sœurs de Tchekhov, elle s’y était offert, de son propre
aveu, le luxe d’une seconde jeunesse, forte cependant d’une
carrière longue et fournie répartie sur exactement un demi-siècle.
Girondine par la naissance, venue à l’écran par le
roman-photos, Hélène Surgère avait su imposer, au mitan des années
70, une image « d’icône intello gay » bien moins réductrice
que ce que la formule implique généralement, et dont elle
s’amusait beaucoup : ceux qui l’auront approchée de près
se souviendront que la « Delphine Seyrig made in Diagonale »
était tout sauf une évanescente personne, et que la bourgeoise
chicos des Belles Manières
(Jean-Claude Guiguet, 1978) ne crachait, à la ville, ni sur les
plaisirs de la chair, ni sur ceux de la chère, bonne tant qu’à
faire. Ceci expliquant probablement cela, la svelte Hélène Surgère
s’était métamorphosée, le grand âge venu en une vieille dame
replète, dont la voix flûtée, intelligente s’il en fût, n’en
ressuscitait pas moins pêle-mêle, en une fraction de seconde, la
comédienne has been de L’Étrangleur
(Paul Vecchiali, 1970) et l’actrice pathétique de Femmes
femmes (Vecchiali, 1974), la narratrice-maquerelle de Salò ou les 120 Journées de Sodome (Pier Paolo Pasolini, 1975), la
politicienne infanticide de Change
par demain (de main) (Vecchiali, id.), la pharmacienne amoureuse
de Corps à cœur
(Vecchiali, 1978), la secrétaire de direction dévouée de Barocco
(André Téchiné, 1976) et la concierge bienveillante de C’est la vie ! (Vecchiali, 1980). Dans le contre-emploi comme
dans son élément naturel, elle sut casser son image diaphane en
endossant la servante sourde-muette d’Un
chien dans un jeu de quilles (Bernard Guillou, 1982) ou l’héritière
cupide de Ce jour-là (Raúl
Ruiz, 2002), à peine surprise, au fond, d’avoir dû attendre l’âge
somme toute respectable de 70 ans pour acquérir ses lettres de
noblesse auprès du grand public après être allée s’encanailler
chez Campan et Bourdon (Le
Pari, 1997). Au tout début du mi-choral, mi-bancal À vot’ bon cœur (Vecchiali, 2003), tourné au premier tiers des
années 2000, Hélène Surgère arborait encore, non sans malice ni
élégance, de très dorléaquiens couvre-chefs droit sortis des Demoiselles de Rochefort, et ravivait, le temps d’une séquence ou
deux, le souvenir intact de la péripatéticienne de Cœur de hareng (Vecchiali, 1984), son plus beau rôle assurément,
grand et petit écran confondus.
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FILMOGRAPHIE :
1965 : Les Ruses du diable (Paul Vecchiali). 1970 : L’Étrangleur
(Paul
Vecchiali). 1972 : La
Ligne de Sceaux (Jean-Paul
Török, CM). 1974 : Femmes
femmes (Paul
Vecchiali). Souvenirs
d’en France (André
Téchiné). 1975 : Change
pas demain (de main) (Paul
Vecchiali). Les
Loulous (Patrick
Cabouat). Salò ou les
120 Journées de Sodome/Salò ou les 120 Jours de Sodome/Salò o le
120 giornate di Sodoma (Pier
Paolo Pasolini). 1976 : L’Aigle
et la Colombe (Claude
Bernard-Aubert). Barocco
(André Téchiné). 1977 : La
Machine (Paul Vecchiali). Le Souverain (Jean-Paul Arrivée, inédit). 1978 : Les Belles Manières (Jean-Claude Guiguet). Corps
à cœur (Paul
Vecchiali). Les Sœurs
Brontë (André
Téchiné). 1979 : La
Femme-enfant (Raphaële
Billetdoux). 1980 : Cauchemar
(Noël
Simsolo). C’est la
vie ! (Paul
Vecchiali). 1981 : Le
Retour de Christophe Colon
(Jean-Pierre
Saire). 1982 : En
haut des marches (Jean-Claude
Guiguet). Un chien
dans un jeu de quilles (Bernard Guillou). 1983 : L’Air du crime (Alain Klarer). 1985 : Morphée
(Bruno
Chiche, CM). Zone rouge
(Robert
Enrico). 1986 : Attention
bandits ! (Claude
Lelouch). 1988 : Australia
(Jean-Jacques
Andrien). La Fille du
magicien (Claudine
Bories). Je t’ai
dans la peau (Jean-Pierre
Thorn). Trois Places
pour le 26 (Jacques
Demy). 1989 : Dieu
vomit les tièdes (Robert
Guédiguian). 1990 : Un
vampire au paradis (Abdelkrim
Bahloul). 1992 : La
Cavale des fous (Marco
Pico). 1996 : Abel
(Philippe-Emmanuel Sorlin, CM). 1997 : À
la place du cœur (Robert
Guédiguian). Le Pari
(Didier Bourdon et Bernard Campan). 1998 : Le
Temps retrouvé (Raúl Ruiz). 1999 : L’Affaire
Marcorelle (Serge
Le Péron). Lise et
André (Denis Dercourt). La
Réserve (Pascale Breton, CM). 2001 : Ma
vraie vie à Rouen (Jacques
Ducastel et Olivier Martineau). 2002 : Les
Amateurs (Martin
Valente, rôle coupé au montage).
Ce jour-là
(Raúl Ruiz). Le Divorce/idem (James Ivory). 2003 : À
vot’bon cœur (Paul
Vecchiali). Confidences
trop intimes (Patrice
Leconte). 2006 : Demandez
la permission aux enfants
(Éric Civanyan). Ensemble,
c’est tout (Claude
Berri et François Dupeyron). 2010 : Les Gens d’en-bas (Paul Vecchiali, inédit).
Et, naturellement, quelques titres empruntés à la
filmographie de… Marthe Villalonga, tels qu’ils figurent dans l’édition
2000 du Tulard, sinistre mais rentable plaisanterie : Un éléphant, ça trompe énormément, Le Coup de sirocco, Trois
Hommes et un couffin… À l’@ide-Mémoire, nous en rions
encore.
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