L'@ide-Mémoire

ENCYCLOPÉDIE DU CINÉMA FRANÇAIS

 

 

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Hommages
 

 

Edmond Besnard

Décédé en 2009.

La vie est ainsi faite : il est des comédiens connus et parfois reconnus qui ne laisseront probablement aucune trace durable dans l’Histoire du cinéma (au hasard : Élie Semoun, Michel Sardou, Franck Dubosc, Karine Dupray, Ophélie Winter, Sophie Marceau, Muriel Robin, Judith Godrèche…), et des figurants obscurs qui a contrario marqueront durablement les mémoires. L’immense Edmond Besnard, acteur-maison de la firme Eurociné et futur récurrent de Grosland, est de ceux-là, définitivement passé à la postérité au bénéfice d’une seule locution, plus efficace et plus probante dans son ébouriffante concision que la totalité de la filmographie de Mathilde Seigner, la discographie entière de David Guetta ou l’œuvre intégrale de Michel Audiard dans toute leur horreur respective.

Dans Le Lac des Morts-vivants, le meilleur film de Jean Rollin J.A. Lazer parce que le plus hautement improbable (Dieu sait pourtant…) et certainement l’un des plus fauchés, il est longuement question de soldats allemands massacrés au cours de la Seconde Guerre mondiale, dont les cadavres immergés dans un lac reviennent, 35 ans après les faits et dans un état de décomposition avancée, décimer la population d’un petit village du trou du cul de la France profonde. Tantôt verdâtres, tantôt bleuâtres, tantôt grisâtres (selon l’inspiration fluctuante du chef maquilleur et du responsable de ce qui tient lieu d’effets spéciaux), lesdits SS commencent par violer/trucider une équipe de volleyeuses venues faire trempette dans leur territoire, avant de commencer à s’en prendre aux locaux. Réaction immédiate du châtelain-maire, l’inégalable-inégalé Howard Vernon, aussi à l’aise chez Rollin Lazer que chez Fritz Lang (c’est dire son immense professionnalisme), qui rassemble sans tarder la population villageoise mâle, dont chaque représentant possède peu ou prou un fusil de chasse (un simple poing levé pour les plus pauvres, la vie n’étant notoirement qu’injustice), afin de l’inciter très sérieusement à bouter illico presto l’ennemi (= les zombies gris-bleus-vert) hors des lieux. Et là…

Et là, ressuscitant en une petite fraction de seconde à peine dix ou vingt ans de tradition dada, un acteur méconnu, dont la carrière se limite peu ou prou aux productions Eurociné, sort brusquement du lot en sortant, pile-poil au bon moment, la réplique (bientôt culte) qui tue : Ouéééé ! Promizoulin, finissons-en ! On notera au passage le sentiment de métrique quasi parfaite procuré par l’ensemble (pro-mi-zou-lin/fi-ni-ssons-en), ainsi qu’une abondance record d’assonnances et d’allitérations. De l’art brut dans toute sa splendeur. Bien sûr, trente ans exactement après les faits, et faute d’explications de la part du principal intéressé, disparu depuis, personne n’est en mesure de donner la signification exacte de la locution " promizoulin ", ce qui est une plutôt bonne chose en soi : l’imaginaire peut ainsi continuer à travailler, nos confrères de Nanarland consacrer une entrée à part entière de leur glossaire à ce néologisme qui n’en est peut-être pas un, un groupe Facebook d’ores et déjà riche d’une petite centaine de membres (dont l’auteur de ces lignes) se constituer autour du concept promizoulien… C’est magnifique.

Edmond Besnard, décédé l’an dernier dans sa 90ème année, aura selon toutes hypothèses emporté son secret avec lui dans la tombe. Lui seul aurait pu lever le voile. Tant pis. Ou tant mieux. Personne ne saura s’il avait trop bu ce jour-là (son élocution un rien pâteuse inclinerait assez à suivre cette piste, mais peut-être s’exprimait-il toujours ainsi…), si l’expression devenue trois décennies plus tard le cri de ralliement de tout fan de cinéma Bis digne de ce nom après avoir été celle des très autoproclamés justiciers du Lac des Morts-vivants, provenait (ou pas) d’un obscur dialecte issu d’on ne sait quel patois fleurant bon le crottin, s’il s’agissait d’une manifestation intempestive du cri primal imaginé et conceptualisé par Janov, d’une formule issue d’un jargon maçonnique somme toute méconnu des non-initiés, d’un cas subit de possession (le diable en personne ? les extra-terrestres ? Mère Teresa ? Jeanne Calment ? Dieudonné M’Bala ? l’actuel président de la République ?) ou du banal produit de l’ingestion de champignons douteux cueillis à la va-vite dans le parc du château : le mystère demeure intact. Reste un visage à jamais lié à un mot, celui d’un comédien vieillissant au faciès un peu cabossé et beaucoup grimaçant (et réciproquement), entrevu dans une petite quinzaine, peut-être plus, de longs métrages (souvent érotiques) et dont l’apport aussi soudain que généreux d’un nouvelle locution à notre belle langue (enfin… à ce qui en reste après deux mois de maltraitance légale et de mise à mal intensive par les fermiers Mickael Vendetta et David Charvet) méritait bien, ce nous semble, une filmographie en ligne.

Armel de Lorme (qui remercie Christophe Bier au passage).

FILMOGRAPHIE :

1970 : Les Petites Filles modèles (Jean-Claude Roy). 1971 : Pigalle, carrefour des Illusions (Peter Knight/Pierre Chevalier). 1974 : Convoi de femmes (Pierre Chevalier). 1978 : Convoi de filles/À l’est de Berlin (Anton Martin Franck/Marius Lesœur et Peter Knight/Pierre Chevalier). 1980 : Le Lac des Morts-vivants (J.A. Laser/Jean Rollin). La Pension des Surdoués (Claude Plaut/Olivier Mathot et Pierre Chevalier). 1984 : Glamour (François Merlet). 1988 : Une nuit à l’Assemblée nationale (Jean-Pierre Mocky). 1997 : L’Ascenseur (Alain Payet). 1999 : La Dresseuse (Alain Payet). Les Tontons tringleurs (Alain Payet). 2000 : Cargo accès interdit (Alain Payet).

LIEN VIDÉO :

www.youtube.com/watch?v=NBApgmvtV84

© Armel de Lorme