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NANA |
    
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1954.
PAYS ORIG : France/Italie. PR DÉL : Jacques
Roitfeld. RÉ : Christian-Jaque. SC & AD :
Jean Ferry, Albert Valentin, Christian Jaque & Henri Jeanson, d’après
le roman éponyme d’Émile Zola. DIAL : Henri Jeanson.
IM : Christian Matras (Eastmancolor). CAD :
Alain Douarinou. ASS OP : Ernest Bourraud & Henri
Champion. PH PL : Raymond Voinquel. SON :
Jean Rieul. MUS : Georges Van Parys. MONT :
Jacques Desagneaux, assisté de Claude Durand & Anne-Marie
Jouvet. DÉC : Robert Gys, assisté de Pierre Duquesne,
Olivier Girard & Georges Lévy. COST : Marcel
Escoffier, Pierre Cardin, Irène Kaminska & Raymonde
Catherine-Durandet. COSTUMIÈRE : Monique Plotin,
assistée de Jean Zay. CHAUSSURES : Capo Bianco &
Galvin. MAQ : Maguy Vernadet. COIF : Jean
Lalaurette. POST : Jules Chanteau. ASS RÉ :
Raymond Vilette & Roland Bernard. SCR : Simone
Bourdarias. RÉG GÉN : Jean Mottet. RÉG ADJ :
Roger Descoffre. RÉG EXT : Gabriel Béchir. ENS :
Charles Mérangel. DIR PR : Wladimir Roitfeld. PR :
Les Films Jacques Roitfeld (Paris) & Cigno Films (Rome). DIST :
Les Films Sirius. STU : Paris-Studios-Cinéma & Les
Studios Parisiens DÉB : 03/09/1954. FIN :
07/01/1955. PP : 31/08/1955. DUR : 120 mn. VISA :
9.216. |
AVEC :
Charles Boyer (le comte Muffat), Martine Carol (Nana), Walter Chiari
(Fontan), Paul Frankeur (Bordenave), Elisa Cegani (la comtesse
Sabine Muffat), Jean Debucourt (Napoléon III), Marguerite Pierry
(Zoé, la camériste), Dario Michaelis (Fauchery), Dora Doll (Rose
Mignon), Pierre Palau (Théophile Venot), Luisella Boni (Estelle
Muffat), Jacqueline Plessis (l’impératrice Eugénie), Jacques
Castelot (le duc de Vandeuvres), Noël Roquevert (Steiner, le
banquier), Germaine Kerjean (La Tricon), Nerio Bernardi (le prince
de Sardaigne), Jacques Tarride (Auguste Mignon), Nicole Riche
(Marguerite Bellanger), Fernand Gilbert (le boucher), Paul Amiot (le
commissaire), Odette Barencey (Hortense, l’habilleuse de Nana),
Daniel Ceccaldi (le lieutenant Philippe Hugon), Marcel Charvey (un
créancier), André Dalibert (un policier), Pierre Duncan (un
déménageur), Grégoire Gromoff (un déménageur), Charles
Lemontier (le vétérinaire), Pierre Leproux (le boulanger), Franck
Maurice (un machiniste), Daniel Mendaille (un valet), Marcel Rouzé
(Justin, le maître d’hôtel), Anne Carrère, Denise Carvenne,
Yvonne Constant, Pierre Flourens, Jean Harold, Marcel Loche, Max
Montavon (?). |
  
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L e
gros problème avec Nana, c’est précisément Nana. Le
personnage imaginé par Zola est doté, depuis près d’un siècle
et demi, d’une telle dimension mythique – on pourrait presque à
son propos parler d’aura – qu’aucune comédienne ne semble
pouvoir s’y coller sans risques, et surtout pas Martine Carol. L’héroïne
du roman est, au choix une bonne fille capable de se comporter en
garce finie ou une salope née capable de se comporter en bonne
fille, or l’épouse et interprète de prédilection de
Christian-Jaque s’en tient à cet unique aspect du cahier des
charges au détriment de tous les autres : une Nana presque
bien brave. Il eût fallu une comédienne exsudant l’érotisme par
tous les pores, or l’érotisme, rien moins que relatif, de Martine
réside dans son jupon et dans son jupon seul : toute
sympathique soit-elle, c’est une gentille petite bonne que l’on
trousse, pas un poison violent pour lequel on se ruine, se suicide
ou les deux. Magali Noël et Dany Carrel s’imposaient, Viviane
Romance ou Suzy Delair avec quinze ans de moins, Bernadette Lafont et Marilyn
Monroe, bien dirigées, auraient été parfaites chacune à sa
manière, Martine Carol se contente de faire ce qu’elle peut,
charmante, adorable et un peu vaine, touchante par instants,
involontairement comique lorsqu’elle s’efforce, sans conviction,
de froncer le sourcil afin de paraître, sans grand succès, un peu
plus méchante. Comme elle hérite du rôle-titre, le film en pâtit
quelque peu, malgré les moyens rien moins que consistants mis par
une coproduction bling-bling à la disposition d’un
Christian-Jaque sachant filmer, malgré la présence face à l’immense
vedette féminine sur le point de perdre sa couronne (1955 :
Lola Montès, 1956 : Brigitte Bardot, dans les deux cas,
Martine ne s’en remettra pas) d’un impeccable Charles Boyer tout
en puissance et en retenue, malgré, c’en est presque dommage, les
innombrables (mais moins nombreux que dans le roman) petits rôles.
Si, de ce seul point de vue, les Italiens imposés pour les besoins
d’une coproduction, n’apportent rien à l’affaire, les
Français se taillent, d’une manière générale, la part du
lion : Jacques Castelot, Vandeuvres presque idéal, Roquevert,
banquier survolté mais jamais caricatural, Jacques Tarride, Dora
Doll, l’indispensable Odette Barencey dont les silences en disent
plus long que le discours le plus éloquent, Jean Debucourt,
réendossant la moustache frisée au petit fer de Napoléon le Petit
douze ans exactement après Claude Autant-Lara et ses Lettres d’amour…
Mouches du coche idéales, Palau (contrepoint version bigote du
petit homme en noir de La Main du diable) et Marguerite
Pierry déploient tout au long du film des trésors d’ardeur et d’ingéniosité
afin de ramener Boyer dans le droit chemin pour le premier, Martine
sur la voie de la dépravation, tellement plus lucrative qu’une
conduite exemplaire, pour la seconde. À l’arrivée, on demeure
incapable de dire lequel des deux s’est montré le plus
exceptionnel (ou le plus convaincant, ce qui revient ici au même)
dans le registre du taon obsédant dont on n’a ni l’envie ni la
force de se débarrasser. Une chose est certaine en revanche, c’est
qu’ils parviennent tous deux, et la plupart de leurs camarades
avec, à faire oublier le choix assez maladroit de Martine Carol
dans le rôle-titre, aussi assurément que le choix en question fera
oublier ceux bien plus calamiteux des deux autres comédiennes à
jamais (mais pour de mauvaises raisons) liées au personnage :
l’atroce Catherine Hessling, poupée insupportable et bouffie, un
quart de siècle auparavant, la grasseyante Véronique Genest (la
seule actrice au monde, rappelons-le, à avoir réussi à
transformer l’héroïne de Zola en tripière débitant de la
cochonnaille au mètre sur les grands boulevards) un quart de
siècle plus tard. Donc, finalement, et faute de Dany Carrel ou de
Magali Noël, pourquoi pas Martine, ses bottines, son jupon et son
jeu sur un seul registre, même si le propre de la Nana d’origine
était, précisément, de changer tout le temps ? Revoir, au
hasard, Jeanne Moreau, ébouriffante Jackie de La Baie des Anges.
L’adaptation,
elle, ne respectant ni le récit en lui-même ni l’esprit de l’œuvre,
est tout sauf fidèle au roman, qui occulte dans le même temps la
bisexualité viscérale de l’héroïne et son statut de
fille-mère, ce qui dans les deux cas est compréhensible (pour l’époque)
mais fâcheux, et la " condamne " périr
étranglée de la main de Muffat au lieu de mourir, encore plus
connement, de la petite vérole, ce qui est peut-être préférable
vu la nullité notoire des maquilleurs français côté effets
spéciaux. Revoir l’espèce de pizza quatre-saisons faussement
pustuleuse posée sur le visage de Véronique Genest au dernier
épisode de Nana-Cazeneuve : rétrospectivement, la
strangulation s’imposait. Au fond, Nana version Martine
Carol/Christian-Jaque ressemble un peu aux concerts des
Enfoirés : des têtes d’affiches à gogo, des moyens rien
moins conséquents, un spectacle pas nécessairement désagréable
à défaut d’être totalement réussi, mais, pour peu que l’on
gratte sous le vernis, un chouia de frilosité, deux doigts de
roublardise, une absence totale de prise de risques et un manque
abyssal de profondeur. Sur ce dernier point, Martine Carol aura sa
revanche – artistique – dès l’année suivante, qui trouvera
dans la Lola (Montès) de Max Ophuls le seul vrai grand rôle d’une
carrière en dents de scie. Plus heureuse en ce sens que les
Enfoirés qui, eux, de medleys poussifs en reprises inutiles,
attendent toujours la leur. De revanche artistique. |
LIENS VIDÉO :
Histoire de
comparer…
www.dailymotion.com/video/x72e19_alternate-ending-nana-jean-renoir-1_shortfilms
(CATHERINE HESSLING et son maquillage expressionniste).
www.youtube.com/watch?v=84IgHy_ORE8
(VÉRONIQUE GENEST, sa voix de seringue et les lambeaux de jambon
Madrange collés sous les ongles qui vont avec). |
© Armel de
Lorme |

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