L'@ide-Mémoire

ENCYCLOPÉDIE DU CINÉMA FRANÇAIS

 

 

Retour
L'@ide-Mémoire
Dictionnaire critique
 

 

LE BOURGEOIS GENTILHOMME

Robert Manuel, Louis Seigner, Jacques Charon et Bernard Demigny inteprétant le premier acte du Bourgeois gentilhomme (Jean Meyer, 1958, D.R. Éditions René Chateau/La Mémoire du Cinéma).

ANNÉE PR : 1958. PAYS ORIG : France. PR DÉL : Pierre Gérin (LPC). PR ASS : Georges Lourau (Filmsonor). RÉ : Jean Meyer. CONS ART : Philippe Agostini. SC, AD, DIAL & DCP : Jean Meyer, d’après la comédie-ballet éponyme en cinq actes et en prose de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière (1670). IM : Henri Alekan (Eastmancolor). CAD : Henri Tiquet. ASS OP : Pierre Lhomme (1er) & Jean Chiabaut (2ème). PH PL : Roger Forster. SON : Jean Rieul (Procédé Western [Electric]). ASS SON : Marcel Corvaisier & Jean Bareille. MUS PRÉEX : Jean-Baptiste Lully. ORCHESTRATION & AD MUS : André Jolivet. RÉGL DIVERTISSEMENTS [= CHORÉ] : Léone Mail, de l’Opéra. MONT : Claude Durand. ASS MONT : Marie-Louise Barberot. DÉC : Suzanne Lalique & (non crédité) Robert Clavel. COST : Suzanne Lalique. PERR : Georges Chaplain. CHEF MAQ : Marcel Bordenave. MAQ : Nadine Fraigneau. ASS RÉ : Michel Deville. SCR : Ghislaine du Sire. RÉG GÉN : Maurice Hartwig. DIR PR : Pierre Gérin. PR : LPC [= Les Productions Cinématographiques], Filmsonor & Films JRD. DIST : Cinédis. STU : Paris-Studio-Cinéma. EXT : Place de la Comédie-Française, halle & salle Richelieu du Théâtre-Français (1er arrondissement de Paris). TIR : Laboratoires GTC. DÉB : 08/04/1958. FIN : 30/04/1958. PP : 19/11/1958. DUR : 96 mn.

AVEC : Jean Meyer (Covielle, valet de Cléonte), Louis Seigner (Monsieur Jourdain, bourgeois), Jacques Charon (le maître à danser), Robert Manuel (le maître de musique), Georges Chamarat (le maître de philosophie), Jean Piat (Cléonte, amoureux de Lucile), Jacques Eyser (le maître d’armes), Georges Descrières (Dorante, comte, amant de Dorimène), Andrée de Chauveron (Madame Jourdain), Micheline Boudet (Nicole, la servante des Jourdain), Marie Sabouret (Dorimène, marquise), Michèle Grellier (Lucile Jourdain), Jean-Louis Jemma (le maître tailleur), Henri Tisot (le 1er garçon tailleur), René Camoin (le 1er laquais), François Valère, élève du Conservatoire (le 2ème laquais). CHANTS : Bernard Demigny, de l’Opéra (dans le rôle de l’élève), Albert Lance, de l’Opéra (le 2nd chanteur), Mlles A. Grandjean & S. Peyborde (les deux chanteuses).

Génériques technique & artistique extraits du volume 4 de L’Encyclopédie des Longs Métrages français de fiction 1929-1979, par Armel De Lorme, Chistophe Bier, Stéphane Boudin, Raymond Chirat, Alan Deprez & Jean-Pierre Pecqueriaux, L’@ide-Mémoire Éditeur, décembre 2011.

Invité hier soir en compagnie de sa metteure en scène Catherine Hiegel sur le plateau, au reste passablement ennuyeux de Laurent Ruquier sans Zemmour et Naulleau mais avec Nounouille et Coconne, afin d’évoquer leur revisite du Bourgeois gentilhomme, François Morel a pu exprimer, de manière cursive, tout le bien qu’il pensait de son adaptation cinématographique par Jean Meyer. Nous aussi, qui avons pu la découvrir, au moment du bouclage du volume 4 de notre Encyclopédie des Longs Métrages, grâce à l’obligeance de René Chateau. D’autres sorties, bien plus récentes, de sa formidable collection, à l’instar de la Valse royale de Jean Grémillon (1935), gagneraient assurément, elles aussi, à être chroniquées que nous ne chroniqueront pas, n’ayant malheureusement pas pu y accéder sur copie.

Bien plus qu’un véritable film, il s’agit d’une captation, soignée, certes, en dépit d’un Eastmancolor pas forcément au point et qui pète un peu, mais dans laquelle il serait vain de chercher la moindre proposition cinématographique au centimètre carré de pellicule. La question n’est d’ailleurs pas là. Conçue par son réalisateur et metteur en scène Jean Meyer comme le premier volet d’un diptyque à la gloire du Théâtre-Français, et qui se poursuivra, l’année suivante, avec une transposition dans des conditions analogues du Mariage de Figaro (1959), cette captation pure et simple de la comédie-ballet de Molière a surtout valeur de témoignage moins cinématographique qu’historique, qui répond à quelques questions essentielles. En premier lieu, comment et de quelle manière la première troupe de France jouait les classiques il y a un demi-siècle de cela, à l’heure où d’autres, prêts à mettre le feu aux planches, s’évertuaient à faire connaître de nouveaux auteurs à grand renfort de mini-scandales et de mises en scènes expérimentales ? Anciens contre modernes, pas morts : Meyer « filmait » Molière tel qu’on pouvait le jouer deux siècles auparavant, Nicolas Bataille reprenait La Cantatrice chauve sur la petite scène de la Huchette, et le génial Marc’O se livrait à ses premières expérimentations… Ensuite, comment et de quelle façon la rencontre – sur scène comme à l’écran – d’un texte brillantissime et d’une troupe cohérente et surinspirée (à uelques exception près : Micheline Boudet et Robert Manuel se montrent de bout en bout particulièrement redoutables, Charon insuffisant, Meyer acteur insupportable), peut aboutir, malgré tout, à un résultat cinématographiquement bien au-delà du niveau moyen des captations du style « Au Théâtre ce soir ». C’est peu dire, au final, que le charme, bien réel, de ce Bourgeois gentilhomme 1958 tient bien moins à la magnificence – bien réelle cependant – des costumes et des décors qu’à l’éclat de sa distribution. L’exquise Marie Sabouret, dans sa dernière composition à l’écran, pourrait servir d’exemple à toutes les Dorimène futures, le subtil Georges Chamarat ne semble être né que pour avoir donné au maître de philosophie son interprétation de très loin la plus juste et la plus efficace, le jeune (déjà) Jean Piat barbote comme un poisson dans l’eau dans son emploi d’amoureux malicieux mais décidé, la quasi débutante Michèle Grellier fait absolument merveille en Lucile, la doyenne Andrée de Chauveron, trouve dans l’avisée et pragmatique Mme Jourdain le rôle de sa vie, et le plaisir est vif de voir accéder, enfin, l’immense Louis Seigner aux emplois de toute premier plan que le cinéma ne lui a jamais accordé qu’avec une extrême, mais dommageable, parcimonie. Il y aurait beaucoup à dire sur ce grand acteur et grand professeur – nombreux sont les comédiens de cinquante ans et plus, Francis Perrin en tête, qui reconnaissent encore tout lui devoir, que les hasards de la rédaction de la suite de notre Encyclopédie des Longs Métrages nous ont permis de réapprécier à sa juste valeur dans le paysan matois de La Cabane aux souvenirs (Jean Stelli, 1946), le grand bourgeois cupide d’Un revenant (Christian-Jaque, 1947) et l’homme d’État sans états d’âme de Section spéciale (Costa-Gavas, 1974), le Nucingen vérolé de Vautrin (Pierre Billon, 1943), le Grillo pathétique de La Chartreuse de Parme (Chistian-Jaque, 1947), et, bien sûr, le Lavoisier podragre et débonnaire de Si Versailles m’était conté… (Sacha Guitry, 1953). ADL

© Armel de Lorme