L'@ide-Mémoire

ENCYCLOPÉDIE DU CINÉMA FRANÇAIS

Alfred Adam

 

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Dictionnaire des comédien(ne)s
 

 

Dans leur ouvrage consacré aux " excentriques du cinéma français ", Chirat et Barrot le rangent sans ambages dans la famille des " faux derches et frustré(e)s ", en bonne compagnie il est vrai puisque son nom y voisine avec ceux de Lucas Gridoux, Roger Karl, Jacques Varennes et Jean Wall. Le nez trop long, la mine chafouine, le regard sournois, Alfred Adam y est parfaitement à sa place, bien que ce soit une authentique bonne pâte, le Cornudet de Boule de Suif (Christian-Jaque, 1945) qui lui ait valu son meilleur rôle au grand écran. Anarchiste au grand cœur prenant, seul parmi ses camarades de voyage, la défense de Micheline Presle, l’immédiate sympathie bon enfant qui se dégage de lui constitue le contrepoint parfait aux insinuations de Suzet Maïs, aux persiflages de Louise Conte, aux courbettes de Marcel Simon, aux manigances de Palau. Était-ce suffisant pour faire oublier la cohorte des fourbes, intrigants et autres canailles qu’Adam avait interprété par le passé et continuera d’aligner méthodiquement, film après film, jusqu’à la fin d’une carrière aussi longue qu’exemplaire ? Pas si sûr. Car il en a accumulé, des crapules, le brave Adam, du boucher obséquieux que Feyder lui offre en guise de baptême cinématographique (La Kermesse héroïque, 1935) au gangster miteux d’Un carnet de bal (Julien Duvivier, 1937), du maître d’hôtel râleur mais servile de Je chante (Christian Stengel, 1938) au chauffeur de maître brutal et jaloux d’À vos ordres, Madame (Jean Boyer, 1942), du douteux Symphorien de La Ferme des Sept Péchés (Jean Devaivre, 1948) à l’antipathique boucher de Maigret tend un piège (Jean Delannoy, 1957) pour ne rien dire du perfide et carriériste sergent Bel-Œil des Fêtes galantes (René Clair, 1965) ou du postillon retors culbutant sans vergogne Caroline Chérie (Richard Pottier, 1950) sur la paille humide d’une auberge après avoir agité devant elle, telle un épouvantail, la menace de la guillotine. Au lu d’un palmarès aussi peu reluisant, on en oublierait presque qu’Adam, en sus du rôle de Cornudet, a été pour l’écran l’aimable Schaunard de La Vie de bohème (Marcel L’Herbier, 1942), le Robin des Bois post-thermidorien de Cadet Rousselle (André Hunebelle, 1954), le manager, exigeant mais fidèle, de Marcel Cerdan, dans l’improbable hagiographie consacrée à ce dernier par Léon Mathot (L’Homme aux mains d’argile, 1949), ou encore Joachim Murat, roi de Naples dont en 1946 Théophile Pathé, l’un des réalisateurs les moins connus et les plus éphémères de l’histoire du cinéma français, devait (bien platement) brosser les Beaux Jours… Il fallait du talent pour endosser autant de casquettes : l’acteur n’en manquait pas, en bon disciple de Jouvet qu’il était. Né à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine) le 4 avril 1908, Alfred Roger Adam – pour l’état civil – avait fait ses classes au Conservatoire, sous la direction du Patron, qu’il devait suivre ensuite à l’Athénée. D’où sa présence, dès 1933, à l’affiche du Supplément au voyage de Cook de Giraudoux, puis, trois ans plus tard, lors de la création d’Électre. Entouré de Pierre Renoir, Madeleine Ozeray, Renée Devillers, Gabrielle Dorziat, Raymone, il y personnifiait le jardinier, assurément l’un des plus beau rôles que comportait la pièce et le point de départ d’une longue histoire d’amour entre la Critique et lui. Hasard ou coïncidence (?), c’est encore aux côtés de Jouvet qu’Adam tourne son premier film, La Kermesse héroïque, après avoir été présenté à Feyder par Françoise Rosay, séduite par sa personnalité comme par son talent déjà protéiforme. Dès lors, il ne quitte plus l’écran, entre premiers et grands seconds rôles. Lorsqu’il ne tourne pas, il s’illustre sur les planches. Lorsqu’il ne joue pas, il écrit pour les autres. En 1943, avec la jeune Gaby Sylvia dans le rôle-titre, Charles Dullin monte Sylvie et le fantôme dont Adam est l’auteur : acteur déjà reconnu, le succès immédiat de la pièce, bientôt transposée à l’écran par Claude Autant-Lara 1, fait de lui, du jour au lendemain, un dramaturge coté. Par la suite, Adam signe encore, entre deux rôles, le scénario de Capitaine Pantoufle (Guy Lefranc, 1953) et les dialogues de La Belle Américaine (Robert Dhéry et Pierre Tchernia, 1961), dont, distribué dans un petit rôle mais ordre alphabétique oblige, il assume en outre la tête d’affiche. À partir du milieu des années 60 pourtant, les rôles commencent à se raréfier, malgré Visconti (L’Étranger, 1967), Molinaro (Mon oncle Benjamin, 1969) et Tavernier (Que la fête commence…, 1974). L’un des derniers titres de gloire, franchement méritoire, d’Adam, a été de sauver, par sa seule présence en halluciné " Noé des Temps modernes ", le médiocre et bâclé Jardinier d’Argenteuil (Jean-Paul Le Chanois, 1966) du n’importe-quoi cinématographique. Deux petits tours, l’un chez Vital (Le Chasseur de chez Maxim’s, 1976), l’autre chez Vocoret (Nous maigrirons ensemble, 1979), et puis s’en va : à l’aube des années 80, l’auteur de Sylvie et le fantôme met un terme définitif a près d’un demi-siècle d’une carrière admirablement remplie, avant de s’éteindre au Perreux-sur-Marne (Val-de-Marne) le 7 mai 1982. ADL

1. Réalisé en 1945, le film Sylvie et le fantôme verra les débuts cinématographi-ques de Marguerite Cassan, de Lise Topart et, surtout, de Jacques Tati dont l’actif se limitait alors à quelques courts métrages

© Armel de Lorme